Fondation Saint Omer Valeurs Transatlantiques

Conversations Transatlantiques Europe-Amérique face au désordre mondial

Conversations Transatlantiques Europe-Amérique face au désordre mondial

13 décembre 2023 - 18h30 - Tacticts 32-34 rue Galilée 75116 Paris

Toujours dans l’esprit de nous inspirer des « valeurs transatlantiques » pour répondre aux défis de nos démocraties, nous avons invité l’ambassadeur Gérard Araud pour partager ses visions sur le thème Europe-Amériques face au désordre mondial.

Gérard Araud a accompagné notre fondation dès le début en recevant nos amis américains à un dîner de gala à la résidence de l’ambassade de France à Washington. Nous le remercions de sa fidélité.

Bienvenue au cabinet Tactics AARPI de Loraine Donnedieu de Vabres-Tranié qui nous y accueille une nouvelle fois. Cette conférence est également organisée en partenariat avec la French-American Foundation – France

Un lien zoom sera transmis pour ceux qui voudront se joindre en visio.

Résumé de la conférence

Introduction – Edouard François de Lencquesaing

La démocratie est la responsabilité de chacun d’entre nous. Il s’agit d’une chaîne de responsabilité où chacun doit déterminer comment remplir sa responsabilité individuelle au sein d’une responsabilité collective. 

L’histoire est une succession de chaos. Comment adresser le désordre mondial actuel ? On doit en sortir la tête haute et minimiser l’impact du chaos. Notre responsabilité c’est de vivre avec notre temps pour minimiser les conséquences. 

La révolution et l’indépendance américaine ont répondu à une brèche dans la gouvernance politique du pays où le peuple devait avoir sa voix. Il y avait un écart entre des principes en Angleterre et l’application de ces principes dans les colonies anglaises. En réaction à cet écart, les colonies américaines se sont soulevées pour retrouver ces principes et préserver leurs droits. 

Les pères fondateurs ont réfléchi aux principes démocratiques en prenant en compte une dimension essentielle : l’histoire. En effet, en l’absence d’intérêt pour l’histoire, il n’y a pas d’enseignement. Les Américains ont cherché leur inspiration très loin, chez les Grecs et les Romains. 

Leur réflexion pour concevoir la nouvelle gouvernance et créer les institutions étatiques était également fondée sur une utopie concrète. Cette utopie reposait sur la fonction de vertu. Or les pères fondateurs ont réalisé que le peuple n’était pas aligné avec le principe de vertu. Il leur fallait donc partir des vices pour concevoir la gouvernance afin que celle-ci transforme les vices en vertus. Voilà comment les pères fondateurs sont passés d’utopie à réalité. 

L’objectif des conversations transatlantiques est de tirer des leçons de l’histoire pour répondre aux défis actuels de nos démocraties.

Discours de Gérard Araud 

L’élection de Trump fut une surprise totale. Ce choc venait s’ajouter à celui du Brexit où le Royaume-Uni, « nation de boutiquier », comme l’appelait Napoléon, a quitté le plus grand marché. Nous n’avons pas vu venir cette crise de la civilisation occidentale. Pourtant la situation économique aux USA se portait bien grâce à la politique d’ Obama. 

Trump a senti ce que personne n’a senti. Là est la forme de son « génie ». Trump a senti la crise sous-jacente de la société américaine en réunissant tous ceux qui souffraient de la crise : protestants évangéliques, américains pensant être les victimes de la globalisation (États de la Rust Belt ravagés par la désindustrialisation). La moitié des américains n’avaient pas vu leurs revenus augmenter depuis 30 ans.

Nous traversons aujourd’hui la même crise : 40% de nos citoyens pensent que la démocratie ne défend pas leurs intérêts.

Trump a redéfini la droite comme un parti isolationniste , protectionniste, autoritaire , et moralisateur. Les USA ont choisi le protectionnisme et cela va perdurer. Le Buy American Act a été renforcé par Biden. De même, sous Biden aucun nouveau traité de libre échange n’a été signé. Biden assume très clairement ce retour au protectionnisme. La lassitude des USA pour les engagements internationaux est bien visible. La volonté du gouvernement est de faire en sorte que les Américains dépensent leur argent à l’intérieur des frontières. 

La Chine en raison de sa forte croissance devient le rival des USA. C’est face à la Chine que les américains se définissent. La relation sino-américaine est désormais ce qui va déterminer le monde. Il s’agit d’une guerre froide 2.0 avec les deux spécificités suivantes : 1) cette fois les échanges commerciaux entre les USA et la Chine se poursuivent ; 2) les Etats asiatiques ne veulent pas choisir leur camp. 


La question sera toutefois posée aux européens de choisir leur camp. L’Europe va se diviser évidemment et cette question va être centrale. 

Nous, Européens, sommes plus proches des USA en termes de valeurs mais doit-on pour autant s’aligner avec les USA face à la Chine ? Quand la poussière de l’Ukraine et Gaza va retomber la question va se poser. 

Le Colbertisme est donc désormais en vigueur aux USA. L’Inflation Reduction Act est une forme de protectionnisme 3.0 de même que le grand plan d’infrastructure est là pour donner du travail à la classe moyenne inférieure. Objectivement, la croissance américaine est de 4.9 % et le chômage en recul de -4% depuis 21 mois … et pourtant 70% des américains pensent que les USA sont en récession. 

Biden a voulu répondre aux éléments fondamentaux de la crise (emploi, réindustrialisation) mais pourtant les sondages sont désastreux et Trump pourrait être réélu. Paradoxalement les démocrates ont gagné quasiment toutes les élections locales. Pourquoi ont-ils gagné ? Sur la question de l’avortement, une large partie de la population s’est mobilisée en faveur du droit à l’avortement. C’est donc peut être sur cette question que l’élection va se jouer. 

Le contexte ne conduit pas à l’internationalisme. Les USA sont tournés vers eux-mêmes. Même pour l’Ukraine les Américains sont plutôt opposés à continuer de donner de l’argent. 

Les Américains sont polarisés et ne se parlent pas. Or le système américain repose sur la coopération des chambres et la communication entre l’administration et les chambres. Les USA sont donc dans une crise politique profonde.

Pour nous les Européens notre réflexion doit être la suivante : comment continuer à travailler avec les américains pour qui l’Europe n’est plus leur priorité. Aucun nouveau paquet d’aide à l’Ukraine n’a été adopté. 

Face à ces constants, deux conclusions : 

  1. Poutine va faire la guerre jusqu’en 2024 car si Trump gagne l’élection américaine c’est gagné pour la Russie. Les Européens ne prendront pas la relève des USA en Ukraine 
  2. Que faisons nous (Européens) entre la Chine et les USA : alignement ? Politique gaullienne ? 

Ainsi, beaucoup de questions se posent par rapport à l’évolution de la société américaine. La politique menée par Biden n’a pas suffit. Le pays est toujours, voir encore plus sur les nerfs qu’il y a quatre ans. Il se peut que Trump soit condamné par les tribunaux. Cependant, une condamnation de Trump pourrait avoir des conséquences dramatiques. En effet, pour les partisans de Trump cela signifierait que l’establishment veut se débarrasser de Trump. Or une partie des Américains vouent un véritable amour à Trump. Ce n’est pas juste une question de politique. Ils vibrent pour Trump …